Néo-pantinoise et très impatiente de découvrir ma nouvelle ville, j’ai été ravie de participer à la cérémonie d’accueil des nouveaux arrivants (vendredi 10 février) proposée par la Mairie de Pantin. Au programme : découverte de l’Hôtel de Ville, rencontre avec différentes associations pantinoises qui y tenaient un village de stands, discours du Maire (court, instructif et chaleureux) et buffet fort sympathique (petits fours et champagne).
Après cette soirée, j’ai enchainé sur l’étape suivante d’intronisation : une visite guidée en bus de la ville de Pantin, commentée par le Maire en personne ! Un petit périple de deux heures, à la rencontre de Pantin, de son histoire, de ses quartiers et de ses habitants.
Deux heures confortablement installés dans un bus affrété pour l’occasion, entourés de nos tout nouveaux voisins, passées étonnamment vite tellement la visite fut dense et captivante. Loin d’une opération promotion qui aurait pu consister à s’arrêter uniquement sur les points les plus attractifs de la ville (quartiers faisant partie du «triangle d’or», tiers-lieux à l’instar de la Cité Fertile, commerces et restaurants boboifiants), et qui ainsi aurait couru le risque de renforcer un certain sentiment de gentrification, le circuit s’est concentré sur la valorisation du passé industriel et ouvrier de la ville de Pantin.
Car il s’en est passé des choses en vingt-et-un ans, depuis que Bertrand Kern a été élu Maire de Pantin. A commencer par l’étoffement de la population, «une augmentation de 11k habitants en vingt ans», dû en partie à la transformation de zones industrielles en parcelles d’habitation, notamment autour du canal. Le logement est d’ailleurs l’un des sujets de prédilection du Maire, qui, dès son élection, préside le principal bailleur de la ville, Pantin-Habitat. Louvoyant entre la vocation progressiste propre à son étiquette socialiste, le passé communiste de sa ville, et une volonté affirmée de développer l’attractivité économique de Pantin, Bertrand Kern s’est particulièrement investi sur le pan urbaniste de sa mission municipale. Fil rouge de cette visite en bus, le Plan Local d’Urbanisme de Pantin, le réaménagement de quartiers un peu laissés pour compte, la création et la gestion de logements sociaux…
Le quartier des Grands Moulins
Après un rendez-vous en face de l’Hôtel de Ville, la visite commence par un passage dans le quartier des Grands Moulins de Pantin. Implantée à la fin du 19e siècle, cette minoterie industrielle produisait quelque 190 000 tonnes de farine par an au plus fort de son activité. La meunerie est fermée en 2001 et si les bâtiments ont depuis été transformés en bureaux pour une filiale du groupe BNP Paribas, les «petit» et «grand» moulins ont été conservés, ainsi que les silots et l’ancienne chaufferie, dans une optique de conservation du patrimoine chère à la mairie.
Dans le même quartier, un autre bâtiment a connu une mutation majeure : le Centre National de la Danse, qui voit le jour en 1998 à la place d’un ancien centre administratif. Si son architecture brutaliste ne remporte pas l’approbation générale, le CND a sû s’imposer comme une institution de renom dans le secteur de la danse, et a permis de créer des vocations auprès des jeunes pantinois. Cible de critiques des habitants, l’aspect vétuste du bâtiment devrait rapidement être amélioré puisque l’Etat, après avoir récemment racheté le CND à la ville de Pantin, s’est engagé à réhabiliter toutes les facades.
A quelques encablures du CND, on trouve l’établissement Antoine de Saint-Éxupéry, école primaire et maternelle qui s’est implantée le long du canal de l’Ourcq à la place d’une ancienne casse auto. Petite fierté pour la Mairie : il s’agit de la première école de France à « énergie zéro » ! Situés au bord de l’eau, ces bâtiments rénovés illustrent une vision que le maire se plaît à rappeler : faire en sorte que Pantin ne tourne plus le dos au canal de l’Ourcq.
Découverte de la Plaine de l’Ourcq
Le bus, lui, commence à s’en éloigner en direction du nord-est de la ville. Avant d’arriver au cimetière parisien, « le plus grand espace vert de Pantin aujourd’hui », nous passons devant le conservatoire Jacques Higelin, nommé en l’honneur du chanteur qui a vécu une vingtaine d’années à Pantin.
Juste à côté, l’ancienne piscine Leclerc, renommée Alice Milliat en 2022. Un hommage à cette nageuse, hockeyeuse et rameuse, née en 1884 et qui fut une fervente militante pour la reconnaissance du sport féminin au niveau international comme nous l’apprend le maire, évoquant notamment son combat pour faire admettre les épreuves féminines aux Jeux Olympiques.
Grâce à l’originalité du bâtiment, tout en briques rouges et grès noir, cette piscine construite dans les années 30 sous la houlette de l’architecte Charles Auray fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis 1997 !
Réalisée par le même architecte, l’usine des eaux de Pantin située à quelques mètres se confond presque avec la piscine. Construite en 1936 et fermée depuis 2002, cette usine a été récemment réhabilitée mais reste cependant inactive. Comme nous l’explique le maire, sa vocation est en effet de servir d’«ultime secours» : en cas d’attaque terroriste, de catastrophe naturelle ou de contamination de l’eau, elle se remettra automatiquement en marche afin d’approvisionner Paris et sa banlieue, en allant puiser de l’eau pure à quelques centaines de mètres de profondeur.
Après un rapide passage devant un centre de logistique à l’aspect lugubre, construit par le prédécesseur du maire, qui ne manque pas de nous confier son dédain envers le projet, qu’il juge peu esthéthique et peu profitable à la ville, nous arrivons sur un gigantesque site dédié également à la logistique et hébergeant de nombreuses réserves appartenant à des enseignes du bâtiment, comme Saint-Gobain. La Croix-Rouge y possède aussi un centre de stockage, qui leur a notamment été utile pour organiser des missions humanitaires en Syrie.
Le bus poursuit sa route et prend de la hauteur, nous permettant d’accéder à un remarquable point de vue sur la vaste plaine de l’Ourcq. L’occasion pour le maire d’évoquer de futurs projets, tels un ambitieux éco-quartier, qui s’étalera entre le quartier des 4 Chemins et la gare RER de Pantin, réduisant ainsi le « fractionnement » de la ville regretté par le maire, et les actuelles constructions, à l’instar de l’impressionnant Technicentre Est Européen, énorme centre de maintenance de la SNCF. Grâce au système de la taxe professionnelle, qui imposent les trains et les TGV à l’endroit où ils sont réparés et entretenus, le site a permis à la ville de Pantin, alors troisième ville la plus endettée de France, de toucher un joli pactole.
Les Courtillières
Nous prenons ensuite la direction des Courtillières, écoutant au passage l’anedocte de Bertrand Kern au sujet du fondateur de la galerie Thaddaeus Ropac, qui hésitait à l’époque entre installer sa galerie à Londres ou à Pantin. La mise à disposition par la mairie d’un ancien bâtiment industriel du début du XXe siècle a permis à la ville de se doter d’une galerie d’art à la renommée internationale, dédiée à la jeune génération.
Autre source de fierté, le quartier populaire des Courtillières, que nous traversons en écoutant le maire détailler le vaste plan de rénovation urbaine dont a bénéficié cette immense cité jouxtant les communes de Pantin, de Bobigny et d’Aubervilliers.
Conçu par l’architecte Émile Aillaud à partir de 1954, le parc des Courtillières fait partie de l’un des premiers grands ensembles d’habitation de la région parisienne. Abritant dès le départ des populations aux revenus modestes, le site jouit d’une architecture particulièrement originale, caractérisée par un impressionnant serpent en béton long de plus d’un kilomètre. Si le quartier a longtemps souffert d’une mauvaise réputation, dûe notamment à la vétusté des bâtiments et aux activités illégales qui s’y sont épanouies, dont «des élevages de Pitbull et du stockage de cannabis dans les caves», d’importants investissements et travaux de rénovation ont depuis été réalisés et ont offert un second souffle à la cité. Dans une logique d’ouverture culturelle, les Courtillières accueilleront par ailleurs très prochainement une toute nouvelle ludothèque et une salle de spectacles.
Les Quatre Chemins
Après avoir longé les jardins ouvriers d’Aubervilliers et admiré le Théâtre Zingaro, situé au Fort d’Aubervilliers, le bus prend la direction du quartier des Quatre Chemins. Priorité de la Mairie depuis 2015, le maire n’hésite pas à nous confier son sentiment d’échec par rapport à ce quartier très populaire de Pantin, qui abrite malheureusement encore aujourd’hui de nombreux logements insalubres et subit un manque criant de mixité sociale. Toujours aux Quatre Chemins, nous apprenons l’existence d’un quartier surnommé «La Petite Prusse», en raison de l’arrivée massive d’ouvriers de l’Est de la France à partir du 19e siècle, venus en majorité pour travailler à la verrerie Saint-Gobain, alors installée au bord du canal. Pas loin, le parc Diderot, tout neuf, qui a la particularité d’accueillir un bassin ouvert à la baignade, une première en France.
Un passage devant l’école Joséphine Baker, à haute qualité environnementale, est l’occasion pour le maire de rappeler la volonté de la mairie de féminiser les établissements et rues de Pantin(e). Arrivant aux abords du futur éco-quartier évoqué plus haut, nous apprenons qu’il bénéficiera de quelque 20 hectares de logements (dont une importante partie consacrée au logement social), de bureaux, et de plus de six hectares d’espaces verts dont une forêt urbaine. Toujours dans le quartier des Quatre Chemins, Bertrand Kern nous fait remarquer un batîment qui lui a valu de remporter le Prix des Bâtisseurs il y a quelques années : une ancienne usine d’essieux, depuis transformée en immeuble de logements sociaux. L’arrivée vers le Quai aux Bestiaux près de la gare de Pantin rappelle un épisode douloureux, puisqu’en 1944, le dernier grand convoi de déportés d’Île-de-France le quittait en direction des camps de Buchenwald et de Ravensbrück en Allemagne, avec à son bord 2200 hommes et femmes, essentiellement des résistants.
Petit Pantin – Église
A côté de la caserne des pompiers, le maire nous confie le passé trivial d’un bâtiment, ancienne maison close, avant de nous amener sur le site de l’ancienne usine de cosmétiques Bourjois et de nous offrir une autre anecdote peu ragoutante : la graisse et le sang de porcs, utilisés à l’époque dans la confection des rouges à lèvres, provenaient des abbatoirs de la Villette, tout proches. Poursuivant la visite, nous apprenons beaucoup de choses sur l’implantation des bureaux Chanel, le projet de rénovation de l’ancienne usine à tubes (aujourd’hui Les Grandes Serres de Pantin) et le projet d’installation de l’académie Musicale Philippe Jaroussky. Nous arrivons ensuite vers l’Église de Pantin, bientôt rénovée et déjà classée aux monuments historiques, avant de visiter l’un des quartiers les plus cossus de la ville : le Petit Pantin. Très résidentiel, l’endroit regorge de maisons avec jardins et de petits squares mais les commerces semblent s’y faire rares.
Hoche
La rue Hoche sur laquelle nous arrivons quelques minutes plus tard, fait la fierté du maire, encensant à la fois la joliesse des nombreux bâtiments d’habitations et de logements sociaux, et l’implantation de nouveaux commerces. Pensé comme le coeur de Pantin, son centre-ville, le quartier est effectivement très agréable avec son aménagement piéton, son marché place Olympe de Gouges, une fromagerie à la jolie facade, une poissonnerie bientôt dotée d’un petit restaurant, un futur chocolatier…
Seule ombre à l’horizon : les vendeurs de cigarettes à la sauvette qui se trouvent au métro Hoche, fléau contre lequel Bertrand Kern s’avoue impuissant.
Quelques anecdotes plus tard et de nouvelles remarques appréciatives envers le CND, nous arrivons au terme de cette visite guidée menée par un maire qui aura su nous faire partager sa passion pour la ville de Pantin, comme le prouveront les applaudissements et les remerciements des quelque cinquante personnes présentes dans le bus.
Article rédigé par Ève Guiraud.