Le temps d’un trajet, j’ai eu la chance de passer quelques instants avec Jean-François Julliard, actuel DG de Greenpeace. D’une étonnante simplicité, toujours souriant, ce tout nouveau pantinois a accepté de répondre à mes questions.
Jean-François, pourquoi avoir choisi de vous installer à Pantin ?
Il y a plusieurs raisons. D’abord ma compagne et moi voulions déménager car nous avions besoin de plus de place avec trois enfants dont un qui a 14 ans maintenant. Dans Paris c’est compliqué, tout est trop cher. Acheter n’était même pas envisageable et les loyers deviennent tellement sidérants que ce n’est pas possible non plus. Nous voulions également rester dans le nord-est car nous habitions Place des Fêtes depuis quelques années. Assez rapidement nous nous sommes décidés à quitter Paris, pour changer un peu d’échelle. A Paris tout est trop grand et il y a trop de monde même si j’adore Paris et je trouve que c’est une ville très attachante. C’est plus compliqué de créer une vie de quartier dans Paris. Je connaissais mieux Montreuil, ayant habité Vincennes quelques temps. C’est une ville qui a un réel engagement sur les questions écologiques, sur le bio. C’est une ville très « Greenpeace compatible ». Partant de Montreuil nous avons exploré différentes possibilités et assez rapidement Pantin s’est imposé comme une évidence parce que c’est la ville qui nous a donné l’impression d’être le plus en mouvement, en transformation en ce moment. Plein de gens nous parlait de Pantin. Nous avons eu une belle opportunité pour acheter une maison avec jardin. C’est encore tout frais, nous avons emménagé il y a seulement un mois, mais cela est très prometteur !
Il y a à Pantin une bonne dynamique, avec une réelle volonté de transformer la ville sans perdre complètement son âme et en faire une extension bobo de Paris. Nous ne voulions pas de ça. Il semble que la mairie souhaite préserver la mixité sociale et culturelle, une certaine authenticité. Je crois qu’il y a plus de 50% de logements sociaux à Pantin. De même, la mairie privilégie les pantinois lorsqu’ils souhaitent accéder à la propriété.
A présent j’aimerais vraiment créer une vie de quartier, ce que je n’ai jamais vraiment pu faire à Paris. Du fait de mes activités professionnelles, j’ai énormément voyagé et j’avais peu de temps pour m’occuper de ce qui se passait autour de chez moi. Tout d’un coup le fait d’arriver dans une ville de 55 000 habitants, à taille humaine, permet de de s’impliquer plus facilement dans la vie locale, dans les associations. J’ai un exemple concret : cela fait trois ans que j’essaye de faire de l’apnée. A Paris il y avait des listes d’attente hallucinantes. Ici j’ai contacté le club de Bobigny et le président m’a invité tout de suite à venir essayer. C’est plus facile. De même je souhaite assez rapidement aller faire un tour au jardin partagé à 100 m derrière chez moi, qui s’appelle le Pousse ensemble.
Vous êtes un pantinois un peu spécial car directeur général de Greenpeace. En tant que citoyen avez-vous envie de vous impliquer localement au niveau de l’écologie ?
Oui cela m’intéresse parce qu’il y a plusieurs choses sur lesquelles on essaye de travailler chez GP comme la pollution de l’air, les transports. Pantin est une ville qui a progressé mais qui a encore beaucoup de chemin à faire. Toutes les questions autour de l’écologie urbaine m’intéressent également beaucoup : comment ramener un peu de végétal en ville ? Comment ramener des préoccupations écologiques et environnementales dans des villes qui n’ont pas ce passé là. Pantin était une ville communiste, industrielle. L’écologie n’a pas été un thème central pendant des décennies. La ville se transforme, c’est l’occasion de faire changer les choses. Et ça va dans la bonne direction si j’en juge par les derniers résultats des élections législatives.
Je ne souhaite pas m’engager en politique mais en revanche le fait de participer à ce travail de discussion et de sensibilisation m’intéresse. Il y a également un sujet sur lequel nous aimerions bien travailler un jour chez GP, mais qui est encore très hypothétique, c’est l’écologie dans les quartiers populaires. Ces quartiers sont des lieux où l’écologie n’est pas la première préoccupation. Pourtant aujourd’hui l’écologie ce n’est pas planter trois arbres à un endroit, c’est aussi tisser des liens entre préoccupations écologiques, sociales et économiques. Aujourd’hui on doit parler de justice environnementale mais aussi de justice sociale, ce sont des problématiques qui touchent tout le monde. Je connais encore trop mal le tissu associatif pantinois apparemment très riche et dynamique mais j’ai hâte de voir ce que l’on peut mettre en place comme expérimentation.
Quelles initiatives vous ont particulièrement touché ces derniers temps ?
Je crois qu’au niveau local ce qui marche le mieux c’est ce qui tourne autour de l’agriculture et de l’alimentation. Toutes les expérimentations concrètes, que ce soit les AMAP, le développement du bio, et d’autres initiatives autour du circuit court, sont des initiatives locales. Sur une campagne comme celle-là, la complémentarité entre le local et le global est indispensable.
Il suffit de se balader sur le marché de Pantin pour réaliser qu’il existe beaucoup de labels, de certifications qui existent sur l’alimentation en plus du bio. Par exemple le label C’ juste, qui n’est pas sur le bio, mais sur l’éthique en agriculture et le fait de payer les agriculteurs au juste prix. Je trouve cette initiative très intéressante et cela me donne envie de creuser un peu.
J’ai écrit un bouquin en 2015 juste avant la COP à Paris sur les mouvements climatiques. Justement j’y reprenais tout un tas d’initiatives qui se sont mises en marche, notamment sur le développement des énergies renouvelables. Et je racontais ce qui se passait au niveau local ; au Danemark, en Inde, en France également. Ce que je trouve intéressant c’est que pour la première fois il y a suffisamment d’initiatives qui naissent un peu partout pour qu’elles soient aussi mises en réseau les unes avec les autres, qu’elles se connectent les unes aux autres. Ça devient un phénomène qui a une ampleur significative. Et en plus ces initiatives ont le mérite d’entrainer des gens qui ne sont pas forcément sensibles au discours écolo.
Êtes-vous optimiste Jean-François ?
Oui je suis résolument optimiste. Quand on voit à quel point les chosent évoluent, à quel point les gens ont envie de faire des choses, ça donne de l’optimisme. Après je ne suis pas naïf non plus. La planète va mal, tous les indicateurs restent dans le rouge, que ce soit sur le climat, la biodiversité, sur l’aggravation de la crise climatique. Quand on regarde cela de manière froide, c’est inquiétant, c’est sûr. Et il n’y a pas de raison que ça change demain. Malgré tout je n’ai jamais vu autant d’envie des gens de se prendre en main et de faire des choses. Ce qui nous manque aujourd’hui je trouve c’est la complémentarité entre cet engagement très local des citoyens et l’impact global donné par les responsables politiques. Exemple avec la crise climatique. Nous avions un accord universel pris lors de la COP 21 et il a suffi que Trump arrive pour tout remettre en question. Les planètes ne sont jamais toutes bien positionnées ensemble pour qu’il y ait en même temps une volonté des citoyens d’aller de l’avant, une volonté des responsables politiques pour donner un cadre légal contraignant et une volonté des entreprises. Ainsi on pourrait aller très très vite. C’est frustrant. Mais c’est une frustration qui me donne envie de continuer, de faire des choses, de rester déterminé.
En tant que citoyen, père de famille, quels conseils pourriez-vous donner pour que chacun puisse s’impliquer dans la préservation de la planète ?
Tout d’abord si on ne croit pas à l’intérêt du nucléaire, on peut quitter EDF et souscrire à une offre énergie renouvelable chez un fournisseur comme ENERCOOP. On peut également changer de banque. On n’est pas obligé de rester chez BNP ou Société Générale, qui sont des banques qui investissent dans le charbon, dans des projets climaticides. Changer de banque ça ne coûte rien, au contraire on fait souvent des économies.
Quand on a les moyens on peut rénover sa maison pour réduire ses besoins en chauffage et en énergie. Aujourd’hui il y a une évolution phénoménale dans les matériaux de construction qui permettent d’isoler.
Nous sommes au bord du canal de l’Ourcq, un beau geste pour l’environnement est aussi de prendre son vélo pour aller dans Paris ou ailleurs. Je suis assez sidéré quand j’entends des gens dire que ce n’est pas possible. Il y a toujours une bonne raison de ne pas prendre son vélo ! Et souvent quand on fait l’effort de tester, on y revient. Il faut essayer une fois. On gagne du temps, on fait des économies, on fait du bien à notre santé. En ¼ d’heure on peut être dans Paris, c’est génial !
On peut également s’engager dans des associations locales, des jardins partagés. C’est une super occasion de remettre un peu les mains dans la terre. Trouver les moyens de se reconnecter avec la nature, c’est souvent ce qui nous manque en ville. Et en plus les enfants adorent ça.
Cela fait 3 ans que je suis végétarien. D’une part on fait des économies. D’autre part c’est un vrai plaisir, ce n’est absolument pas triste. On peut trouver un tas de recettes en ligne de cuisine vegan ou végétarienne absolument à tomber. Manger végétarien est une pratique qui est sortie des cercles très militants ou des cercles bobos parisiens, et ça se propage rapidement. De plus en plus de gens réduisent leur consommation de viande. C’est un geste du quotidien qui a un réel impact sur la planète.
Pour finir pouvez-vous nous parler du festival du film organisé par Greenpeace ?
C’est un festival de documentaires en ligne qui existait depuis trois ans, et s’appelait le Green Up Film Festival, lancé par une journaliste française vivant à Bruxelles. Nous avons trouvé l’idée absolument géniale et nous l’avons approchée pour savoir si l’on pouvait travailler ensemble. Aujourd’hui le festival s’appelle le Greenpeace Film Festival et démarre le 17 juillet. Nous proposons aux internautes 4 films à visionner en streaming par semaine, et chacun peut voter pour faire une présélection de 7 films qui seront en lice pour décrocher un prix. Les documentaires sont très variés dans leur forme et leurs thématiques. C’est un autre moyen de toucher de nouveaux publics. Il y a une énorme production de documentaires sur les sujets environnementaux mais qui ne sont malheureusement pas très connus. Nous espérons que le festival va pouvoir donner un coup de pouce à ces réalisateurs.
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